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Sommaire
Nous avons besoin d’un environnement sain pour survivre, avec l’accès à un air propre, une eau non polluée, et un climat stable. Malheureusement, ces éléments vitaux sont assaillis par une multitude de menaces. Un nombre croissant d’entre nous aspirent à agir pour préserver notre monde, mais il est facile de se sentir démuni·e ou perdu·e face à l'envergure et la complexité des enjeux. Pourtant, un certain nombre d’actions à fort impact existent et peuvent faire une vraie différence. Quelles actions pouvons-nous mener à notre échelle pour faire face à ces défis ?
Pourquoi est-ce important ?
L’humanité et les autres espèces dépendent de la bonne stabilité des écosystèmes planétaires. Lorsqu’on évoque l’environnement, le réchauffement climatique est souvent ce qui nous vient à l’esprit en premier. Pourtant, aussi essentiel soit-il, il ne s’agit que d’un aspect des défis auxquels nous faisons face. Des chercheurs du Stockholm Resilience Centre ont ainsi introduit le concept de “limites planétaires” qui vise à évaluer les seuils critiques que le système Terre peut absorber face aux pressions humaines, sans compromettre les conditions de vie de notre espèce (et des autres).
Voici une liste (loin d’être exhaustive) des impact négatifs possibles sur nos sociétés :
Climat
Si les tendances actuelles se maintiennent, les concentrations de CO2 et les températures mondiales seront, d'ici la fin du siècle, plus élevées qu'elles ne l'ont été depuis des dizaines de millions d'années. Un tel réchauffement n’a jamais eu lieu aussi rapidement, donc ses conséquences sont difficiles à prévoir, mais plus la recherche progresse, plus la rapidité et les impacts d’un tel réchauffement semblent pires que prévu.
Le changement climatique a déjà entraîné une élévation du niveau des mers qui menace les îles et les villes côtières, et a entraîné une augmentation des événements météorologiques extrêmes. Des villes comme Le Havre, Caen ou Bordeaux sont à risque de voir leurs zones inondables s’étendre d'ici 2050.
En juin 2021, des températures atteignant 49,6°C ont été observées au Canada. En France, d’ici 2030, les températures connues lors des canicules de 2003 et 2022 seront considérées comme typiques d’un été “normal”.
Le réchauffement climatique pourrait compromettre l’accès à des ressources de base comme l’eau, en mettant en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays, mettant des centaines de millions de personnes à risque. Certaines régions du monde pourraient devenir invivables à cause de la chaleur, et les migrations de masse pourraient augmenter les tensions. Pour plus d'informations sur ces risques, consultez ce rapport et le site Climate Impact Lab.
Biodiversité
L'activité humaine a également conduit à une perte de biodiversité alarmante : le taux actuel d’extinction est 1000 fois supérieur à la moyenne, et pourrait être encore plus rapide que lors de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. En France, un tiers des oiseaux de campagne ont disparu en 15 ans. D’après l'assureur Swiss Re, près de 55 % du PIB mondial dépend de la biodiversité (eau et air propre, bois, sols fertiles, pollinisation, protection des côtes…), alors qu'un pays sur cinq risque un effondrement de ses écosystèmes.
Les plus grandes menaces pour la biodiversité sont le changement d’usage des sols pour l'agriculture, l’exploitation directe (notamment la pêche qui est la première menace pour la biodiversité marine), le changement climatique, la pollution et les espèces invasives.
Par ailleurs, la destruction du milieu de vie des animaux sauvages est non seulement un facteur majeur de leur disparition, mais aussi un facteur de pandémies, et est responsable de plus de 30 % des nouvelles maladies apparues depuis 1960. En effet, lorsque l’habitat des animaux est détruit, ceux-ci sont forcés d’aller vers des zones habitées par des humains… apportant bien malgré eux leurs virus qui se transmettent à l’homme.
Ressources (métaux, énergie…)
Notre civilisation industrielle est très dépendante d'une énergie abondante et bon marché, dont 85 % est aujourd’hui d’origine fossile (pétrole, charbon, gaz). Il y a de bonnes raisons de penser que les fossiles commenceront à décliner dans la ou les décennies qui viennent (l’Arabie Saoudite a par exemple annoncé que son pic de production sera atteint pour 2027). Les alternatives renouvelables s’améliorent, et leur coût pour la production d’électricité a beaucoup baissé, mais il n’est pas certain qu’elles remplacent les fossiles assez rapidement, notamment pour les camions, l’industrie lourde et les fertilisants. La question de la disponibilité des métaux nécessaires pour une transition se pose, et peut être ici un frein majeur. Surtout, une forte diminution de l’énergie disponible a de fortes chances de s’accompagner d’un fort déclin économique. Pour en savoir plus, consultez cet article en anglais écrit par un de nos membres (résumé dans cette conférence en français).
Eau
Du côté des ressources en eau, d’importantes limites ont également été franchies : “L’eau est la circulation sanguine de la biosphère. Mais nous sommes en train de modifier profondément le cycle de l’eau. Cela affectera la santé de la planète entière et la rendra beaucoup moins résistante aux chocs”. La quantité d’eau douce prélevable a chuté de 35 % depuis 1970, en raison de la déplétion des nappes phréatiques et la destruction des zones humides. Le facteur majeur de cette surextraction est l’agriculture (notamment pour les produits animaux, comme indiqué plus bas).
Pollutions
D’autres pollutions existent que celles des gaz à effet de serre, et de nombreux composés chimiques sont à présent dans l’environnement.
- La pollution plastique est particulièrement visible (et dont une partie significative vient de la pêche). La meilleure piste pour lutter contre cette pollution semble être une meilleure gestion des déchets.
- La pollution au plomb, elle, affecte un enfant sur 3, cause plus de 900 000 morts par an, est un facteur majeur de criminalité, et les coûts économiques sont estimés à 5-8 % du PIB dans certains pays à faible revenus.
- La pollution causée par l’industrie minière cause également des dommages sociaux et environnementaux massifs.
- Enfin, la combustion de combustibles fossiles, en plus de provoquer le changement climatique, tue des millions de personnes chaque année à cause de la pollution de l'air.
Impact combiné de ces différents facteurs
Enfin, ces facteurs conjoints risquent de mener à une augmentation des autres risques catastrophiques mondiaux, en raison d’une instabilité politique accrue due aux migrations de masse et à la compétition croissante pour certaines ressources (voir aussi cet article). On compte déjà 2500 conflits armés en cours dans le monde pour les combustibles fossiles, l'eau, la nourriture et la terre. Les tensions liées à la raréfaction de l’eau pourraient par exemple contribuer à une augmentation des tensions entre États, avec toutes les conséquences potentiellement dramatiques que cela pourrait impliquer (l’Inde et le Pakistan notamment ont tous deux l’arme nucléaire).
Que pouvez-vous faire pour lutter contre ces problèmes ?
La protection de l’environnement est une question essentielle, mais extrêmement complexe. Nous avons échangé avec des expert·es du domaine pour identifier les actions les plus impactantes à réaliser sur ce sujet. Un consensus s’est dégagé sur un point : il est très difficile d'identifier les organisations et interventions ayant le plus grand impact.
Les problèmes environnementaux sont par nature de grande échelle (nationale ou mondiale), et causés par le fonctionnement même de nos sociétés. Ils requièrent donc une transformation de nos modes de vie, notamment via le changement des politiques publiques. Cela complexifie grandement l’évaluation de ce qui fonctionne ou non. De plus, beaucoup d'approches existent, et les missions sont difficilement comparables, étant donné qu'elles opèrent sur des domaines d'action distincts, et des échelles temporelles et territoriales différentes. Beaucoup du travail des associations est inquantifiable.
Enfin, les problèmes sont interconnectés, ce qui fait que résoudre un problème, comme celui du climat, peut déplacer l'impact ailleurs (ressources, biodiversité, eau, résilience...). Aucune approche unique ne semble suffisante pour répondre à tous ces défis simultanément. Il s’agit d’un problème systémique. Pourtant, très peu d’organisations s'attaquent à cette échelle-là.
Notre intention initiale était de réaliser une cartographie permettant de déterminer avec certitude les organisations les plus efficaces sur l’environnement. Pour les raisons ci-dessus, un tel projet ne nous semble plus possible.
Malgré ces défis, nous continuons nos recherches, et mettrons à jour notre site avec de nouvelles informations au fur et à mesure. En effet, en dépit de ces incertitudes, nous avons pu identifier des stratégies négligées mais prometteuses. L’approche qui suit sera nécessairement incomplète, et ne permettra pas d’agir sur tous les plans à la fois. Néanmoins, nous avons de fortes raisons de penser que les interventions présentées ci-dessous ont un impact bien plus important que la moyenne.
Pour cela, trois critères ont été particulièrement importants : l’impact, le potentiel d'amélioration, et le caractère négligé. Détaillons cela :
1/ S’attaquer à un problème de grande ampleur
Il est essentiel de garder à l’esprit les bons ordres de grandeur et de s’attaquer aux plus grands problèmes. Par exemple, lorsqu’on pense aux écogestes, ce qui vient souvent à l’esprit est le recyclage, manger local ou changer ses ampoules. Pour savoir si ce sont réellement les leviers les plus prometteurs, le cabinet Carbone4 a comparé des actions individuelles en fonction de leur impact pour réduire son empreinte carbone (données indicatives sur une année) :
Ce graphique exclut l’achat d’une voiture électrique et l’isolation d’un logement, qui nécessitent un investissement plus important. Il faut aussi garder que les données ci-dessus sont des moyennes, ce qui gomme certaines disparités (un français sur trois n'a jamais pris l'avion, alors que d'autres le prennent régulièrement). Il est aussi à noter que, à part pour la mobilité au quotidien qui n’est pas forcément accessible à tout le monde (difficile de faire du vélo si le travail est à 20km), ces options sont souvent moins coûteuses. La viande, l’avion et les vêtements neufs sont souvent onéreux. A noter également que certains suggèrent qu'avoir un enfant en moins peut avoir un impact considérable par rapport à d’autres actions - même si le sujet est sensible et que c'est une décision très personnelle.
L’impact démesuré du régime végétarien s’explique par le fait que la viande est la première cause de déforestation dans le monde, à 40 %, loin devant l’huile de palme (voir plus bas). En ce qui concerne la déforestation provoquée par la consommation française, une grande quantité de soja pousse sur les parcelles déforestées, et est envoyée en Europe pour nourrir nos animaux (le soja pour l’alimentation humaine, lui, provient souvent d’Europe).
En revanche, on peut noter que manger local et être zéro déchet ont un impact limité sur la question climatique, même s’ils peuvent être positifs sur d’autres aspects (l’impact du bio est quant à lui plus mitigé : selon l'indicateur et l'aliment considéré, il peut être meilleur ou moins avantageux que le conventionnel). En effet, les émissions de carbone dues au transport des aliments et à l’emballage sont très faibles.
Lorsque nous évoquons la pollution plastique, l'image qui nous vient souvent à l'esprit est celle des océans inondés de déchets ou encore d'une tortue marine empêtrée dans un sac en plastique. Face à cela, notre réflexe est généralement de vouloir minimiser notre quantité de déchets ou de trier. Le recyclage revient souvent comme étant l’écogeste considéré comme le plus efficace par les français. Toutefois, comme le graphique de carbone 4 l'indique, l'impact réel du recyclage ou du zéro déchet s'avère moins important que prévu, à la fois sur les émissions de gaz à effet de serre mais également sur d'autres aspects.
Les déchets sont généralement bien traités en France
La France est responsable de seulement 0,02 % du plastique déversé dans les océans. La plupart du temps, en France et en Europe, les plastiques sont incinérés ou stockés dans des décharges. Ces décharges sont souvent enfouies à 30 mètres sous terre, et non à l'air libre, limitant considérablement leur impact écologique. Tant que ces décharges sont bien gérées, ce qui est le cas la plupart du temps, les risques de fuites environnementales sont minimes. Un Français rejette en moyenne moins de 0,01 kg de plastique dans les mers annuellement (soit environ 10 grammes), alors que notre consommation de plastique dépasse la moyenne mondiale.
Si l'Europe et l'Amérique du Nord passaient en zéro déchet, cela ne diminuerait la pollution plastique globale que de 5 %. La plus grande partie du plastique océanique provient de régions côtières, principalement en Asie, liées à une gestion des déchets peu efficace (cette dernière est en effet coûteuse).
Cette réalité est encourageante ! Elle démontre que la pollution plastique a considérablement diminué dans de nombreux pays, y compris ceux à forte consommation, et suggère qu'il est possible d'obtenir des résultats similaires ailleurs en investissant dans de meilleurs systèmes de gestion des déchets.
Les limites du recyclage
En revanche, la France exporte environ 11 % de ses déchets plastiques à l'étranger pour les recycler, principalement pour profiter d'une main-d'œuvre moins onéreuse. Selon la destination, entre 1 et 7 % de ces plastiques risquent de terminer dans les océans. De façon surprenante, trier son plastique pour le recyclage peut légèrement augmenter le risque qu'il se retrouve dans les mers, bien que ce risque reste marginal. Heureusement, la proportion de déchets de ce type envoyés en Asie diminue, cette menace tend donc à diminuer.
D'autre part, seulement une petite fraction du plastique est effectivement recyclée, à peine 12% en Europe. Les défis résident dans la complexité de la collecte et la diversité des plastiques, mais aussi parce que le recyclage dégrade la qualité du matériau. En moyenne, le plastique ne peut être recyclé qu’une à deux fois avant de devoir être incinéré ou mis en décharge. Si le recyclage a généralement un impact positif, ce n'est pas une solution miracle et le plastique recyclé possède toujours un bilan environnemental. Pour ce qui est des sacs en papier, leur recyclage cause plus de dommages sur l'environnement que leur incinération, en raison de l'énergie et du transport nécessaires.
Impacts de la pêche
Une autre source significative de pollution plastique marine est liée à notre consommation de poisson. Environ 10 % des détritus plastiques marins proviennent de matériel de pêche abandonné (filets, lignes, etc.), ce chiffre s'élevant à 75 % dans le Grand Vortex de Déchets du Pacifique Nord, qui est trois fois plus grand que la France. De plus, ces débris continuent de capturer et de tuer la faune marine pendant des années, phénomène connu sous le nom de "pêche fantôme". Diminuer sa consommation de poisson peut donc avoir un impact positif. Néanmoins, les menaces directes de la surpêche et de l'acidification des océans due au changement climatique restent bien plus préoccupantes pour l'équilibre marin que la pollution plastique elle-même.
Les alternatives au plastique peuvent être pires
Réduire l'usage des sacs plastiques au profit d'alternatives réutilisables pourrait, contre toute attente, accroître les émissions de gaz à effet de serre. En effet, les alternatives ont parfois un bilan plus lourd sur plusieurs aspects environnementaux. Leur production nécessite des ressources, en particulier pour le coton, qui exige de vastes surfaces agricoles. Le graphique suivant indique, pour différents matériaux et différents problèmes environnementaux, le nombre de réutilisations nécessaires pour aboutir à un impact plus faible qu'un sac plastique (par exemple, il faut réutiliser un sac en papier 9 à 11 fois).
Les ménages représentent une faible part des déchets
En 2019, les ordures ménagères ne constituaient que 10 % du total des déchets en France, l'industrie étant la principale source. Même si tous les ménages adoptent un mode de vie zéro déchet, une grande portion des déchets resterait à traiter.
Les impacts sur la santé humaine sont incertains
Les microplastiques sont de plus en plus présents dans l’environnement, et nous en ingérons régulièrement. Cependant, les preuves actuelles ne démontrent pas clairement que les microplastiques nuisent à la santé humaine. Les études de laboratoire montrent des effets à de hautes doses, mais l'exposition humaine actuelle est nettement inférieure. Même si des incertitudes demeurent, les experts n'identifient pas à ce jour de risque majeur pour la santé.
Réduire le plastique peut avoir un impact négatif sur la préservation des aliments
Diminuer l'utilisation du plastique dans les emballages peut potentiellement aggraver le gaspillage alimentaire si la conservation des produits s'en trouve affectée. L'impact environnemental de l’agriculture est si conséquent que même une augmentation mineure du gaspillage peut vite peser dans la balance. Dans de nombreux pays à faible ou moyen revenu, le manque d'emballages suffisants contribue significativement aux pertes alimentaires. Grâce à cela, le fait d’utiliser des emballages plastiques a en moyenne des effets bénéfiques en termes d'empreinte carbone, de consommation d'eau et d'énergie, et même de consommation des ressources. Néanmoins, dans les cas de sur-emballage, il reste pertinent de réduire l’emballage.
Promouvoir des actions individuelles à faible impact peut se révéler contreproductif
On peut estimer que promouvoir des gestes écologiques, même s’ils ont un faible impact, est quand même bénéfique et constitue un premier pas vers un changement plus significatif. Néanmoins, cela peut aussi réduire la motivation pour engager des actions environnementales qui ont plus d’impact. Par exemple, lors d’une campagne incitant à économiser l'eau, les consommateurs ont réduit leur consommation de 6 %... mais ont paradoxalement augmenté celle d'électricité de 5,6 %. Ce phénomène est celui de "licence morale": les consommateurs ont rationalisé leurs efforts, en se disant “j’agis déjà pour la planète en utilisant moins d’eau, ce n’est pas si grave si j’utilise un peu plus d’électricité”. L'effet est plus marqué chez ceux qui se perçoivent moins comme des défenseurs de l'environnement.
De même, qualifier des produits de "durables", comme les sacs en coton ou des produits en plastique recyclé, peut créer une "illusion d'empreinte négative". Les consommateurs peuvent croire, à tort, que l'achat de tels produits est neutre voire positif pour l'environnement, ce qui peut les inciter à augmenter leur consommation, et donc leur impact global. Promouvoir des actions à faible impact peut parfois détourner l'attention des changements plus significatifs nécessaires.
Dans l’espace public, il y a donc une asymétrie entre les écogestes les plus connus et les plus efficaces. Une étude menée en Allemagne a ainsi étudié les personnes qui se considéraient comme éco-responsables… et a observé qu’en général, elles n’avaient pas une empreinte écologique plus faible que la moyenne !
En fait, elles souhaitent agir de manière responsable, mais les solutions proposées sont souvent des gestes à faible impact (ampoules, sac cabas, recyclage…), et pèsent peu face à des facteurs comme la taille du logement, le nombre d’appareils ménagers, la consommation de viande, les vols en avion, etc. Consommer mieux est possible mais demande beaucoup de recherches et offre peu de garanties. Le premier déterminant de l’impact environnemental, d’après l’étude, est… la richesse. En effet, plus on a de moyens, plus on peut consommer.
2/ Se concentrer sur les progrès les plus atteignables
Le deuxième facteur est le potentiel d’amélioration : choisir des actions où l’on peut raisonnablement envisager de faire beaucoup de progrès. Par exemple, il semble que changer les comportements individuels soit un levier très difficile à activer. Le rapport Carbone4 précédemment cité souligne donc qu’une grande partie de notre impact est déterminée par notre environnement technique, social et politique, qui a plus de chances d’être changé en intervenant au niveau collectif.
Pour cela, il est important de s’intéresser à la question suivante : pourquoi avons-nous tant de mal à résoudre le problème environnemental ?
Les enjeux environnementaux sont multifactoriels et très complexes à dénouer. Pour illustrer cela, prenons les initiatives proposées dans le cas des forêts - sujet important à la fois pour la biodiversité et le climat.
La plupart des actions ont des conséquences contre-intuitives
Souvent, une action qui semble intuitivement bénéfique peut se révéler être contre-productive, en raison de retombées difficiles à anticiper.
Ainsi, limiter la déforestation dans un endroit précis peut simplement déplacer les impacts sur une autre région. Un cas concret : l’huile de palme, responsable de 18 % de la déforestation, a conduit certains à boycotter les produits qui en contiennent. Cependant, les huiles alternatives requièrent plus de terres, si bien qu’un transfert massif vers ces substituts pourrait intensifier la déforestation. Une approche plus prometteuse consisterait à freiner l’utilisation d’huile de palme pour les biocarburants dans l’UE.
Il peut être très difficile de distinguer les bons projets des mauvais
Prenons les programmes de plantation d’arbres. Ils sont très populaires et semblent intuitivement positifs : pas moins de trois initiatives différentes ont pour objectif de planter 1000 milliards d’arbres. La reforestation a un grand potentiel de rétention du carbone, si elle est menée correctement. Cependant, un large nombre de programmes sont entachés de nombreux problèmes.
Par exemple, un programme de reforestation au Nord de l'Inde, qui dure depuis 40 ans, n'a eu quasiment aucun impact sur la couverture forestière, en dépit de centaines de millions de graines plantées. Elles étaient souvent mises en terre dans des zones de mauvaise qualité, ou mangées par le bétail. Cela a néanmoins changé les types d'arbres qui étaient présents… en privilégiant des espèces moins utiles pour les fermiers et la faune locale. Au Mexique, un programme de 3,4 milliards de dollars a rémunéré les fermiers pour planter des arbres... et ceux-ci ont déforesté pour faire place aux nouvelles plantations, causant la perte de 73 000 hectares. Un problème commun est que ces campagnes mettent plus l’accent sur la "plantation" et pas assez sur l‘entretien.
Pire, certains programmes peuvent causer des dommages au niveau climatique. Les plantations arboricoles peuvent détruire des zones naturelles bien plus efficaces pour stocker le carbone, comme les zones humides, les prairies ou les savanes. En conséquence, plus de 85 % des projets de compensation carbone ont peu de chances d’avoir de réels bénéfices pour le climat.
Un manque de contrôle des entreprises ou certifications
Certains acteurs cherchent à obtenir des engagements volontaires des entreprises pour qu’elles minimisent leur impact en s’engageant sur leur chaîne d’approvisionnement. Malheureusement, même si certains acteurs font preuve de volonté, ces mesures ont souvent un impact limité. Si l’on revient sur la déforestation liée à l’huile de palme, les certifications et labels comme la RSPO ne couvrent qu’une fraction des producteurs, et 40% des zones certifiées souffrent quand même de déforestation.
Par ailleurs, quand les entreprises font des promesses ou des engagements, la plupart d’entre elles ne traduisent pas cela de manière chiffrée, et les données sont rarement accessibles. Par exemple, en 2009, les compagnies de viande brésiliennes ont signé un accord pour ne plus acheter de viande de zones touchées par la déforestation. Cinq ans plus tard, il s’est avéré qu’en moyenne, cette mesure n’avait pas eu d’impact.
Le piège de l’effet rebond
Abordons un autre sujet, la question de l’efficacité énergétique. Pour éviter l’épuisement des ressources en énergie et métaux, il est souvent suggéré de les utiliser plus efficacement. Par exemple, une option est d’isoler les bâtiments : la consommation utilisée pour le chauffage, en France, est ainsi passée de 365 kWh à 215 kWh/m² entre 1973 et 2005. Cela semble être une bonne nouvelle. Mais surprise : les économies ont été compensées par de nouvelles consommations et la température moyenne des logements est passée de 19 °C à 21 °C entre 1986 et 2003. La taille des logements a aussi augmenté. Résultat, l’énergie utilisée pour le chauffage a finalement augmenté de 20 % ! C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : une ressource utilisée plus efficacement est moins chère, ce qui incite à en utiliser plus.
Il n’est pas rare qu’une action à un endroit ou sur un secteur précis peut rediriger les impacts ailleurs, ou aggrave un autre problème : ressources, biodiversité, eau, résilience… Passer à la voiture électrique est meilleur du point de vue du CO2, mais cela nécessite de consommer davantage de métaux.
Un autre aspect est plus subtil : dès que l’on améliore un processus, on économise de l’argent (par exemple en réduisant sa facture d’eau ou d’électricité). Voilà qui semble très bien. Mais une question se pose : comment est utilisé cet argent économisé ? Si l’on en profite pour partir en vacances aux Seychelles, ou à surconsommer dans d’autres domaines, on aboutit au final à un impact environnemental plus élevé.
En effet, si l’on dépense moins dans un domaine, alors on peut dépenser plus ailleurs. L’argent va en effet être dépensé à un moment ou un autre. Nos efforts pourraient ainsi être annulés : comme indiqué par l’étude allemande précédemment citée, le premier indicateur de l’empreinte écologique est la richesse. Même si nous adoptons des éco-gestes, les frais de transport évités par les trajets en vélos permettent d’acheter de plus grands logements et de faire plus de séjours aux Caraïbes…
De telles économies doivent donc s’accompagner d’autres mesures, par exemple faire un don de l’argent économisé à des associations qui vont activer d’autres leviers pour réduire l’impact environnemental. Au niveau politique, l’effet rebond peut être réduit s’il est accompagné de politiques permettant de garder un coût similaire, comme avec la tarification du carbone pour la consommation des énergies fossiles.
Beaucoup de correctifs ne s’attaquent pas au cœur du problème
Parfois, nous sommes enclins à mettre en avant des solutions technologiques qui, bien qu’utiles, donnent l’illusion qu’il suffit de les appliquer pour pouvoir continuer comme avant, sans faire de changement majeur. Un groupe de climatologues a ainsi mis en garde contre le concept de “net zéro”. En fixant un objectif de zéro émission nette pour 2050, on tend à différer les actions urgentes dans le futur, minimisant l’impératif de réagir maintenant. De plus, ce concept repose fortement sur des technologies de capture carbone, malgré leur manque de résultats probants depuis des décennies.
Un autre problème lié à la capture carbone, ou la reforestation, est qu’elles donnent le sentiment qu’il n’est pas grave de causer des dégâts environnementaux, puisque nous pourrons compenser plus tard grâce à de nouvelles technologies. Cette focalisation passe à côté du fait qu’une part significative des impacts environnementaux est causée par des pratiques dont l’utilité peut être remise en question, comme l’industrie du luxe ou les emballages à usage unique. C'est un peu comme si on nous promettait une pilule magique pour résoudre nos problèmes de poids dans un an, rendant l'idée de commencer un régime aujourd'hui moins attrayante.
Les mesures technologiques sont à l’évidence utiles, et font partie intégrante de la panoplie d’actions à mettre en œuvre, mais uniquement si elles sont en complément d’une réduction de la consommation jusqu’à atteindre un niveau durable. En mettant en avant les mesures techniques (Comment produire ? Nucléaire ou renouvelables ?), il est facile de négliger la question des usages (Que produire, et pour répondre à quel besoin ?).
Il est difficile de faire des sacrifices de court-terme pour résoudre un problème de long-terme
Dans Le Syndrome de l'Autruche, George Marshall explique que si nous beaucoup d’entre nous ont du mal à accepter le réchauffement climatique (ou les autres crises environnementales), c'est parce que nous tentons d’éviter l'angoisse qu'il génère et les profondes transformations nécessaires pour le combattre. Toute menace majeure génère une telle angoisse, sauf que les problèmes environnementaux ne possèdent aucun des traits qui rendent la menace facile à percevoir, et qui mèneraient notre cerveau à aller au-delà de nos intérêts à court-terme. Notamment, ils ne sont pas causés par un ennemi qui nous veut du mal, mais par une manière de vivre "normale", que l’on associe à des choses positives comme la protection de notre famille. Nous avons donc du mal à renoncer à un confort immédiat pour des bénéfices à long terme incertains, surtout si nous n'observons pas de changement similaire autour de nous.
Nous avons donc tendance à construire le réchauffement climatique d'une manière qui nous évite d'y penser (c’est un phénomène distant, incertain, qui ne nous affectera pas personnellement, causé par les autres, qui peut être résolu par la technologie, et/ou dont la vraie responsabilité est celle des états/entreprises/citoyens, etc.), car nous cherchons à éviter les pensées négatives qui y sont associées. Voir aussi le livre What we think about climate change de Per Espen Stoknes.
La déconnexion entre nos actions et leurs répercussions environnementales
Il y a une distance, à la fois spatiale et temporelle, qui sépare nos actions quotidiennes de leurs conséquences sur l'environnement. Souvent, les effets négatifs de notre comportement impactent d'abord des personnes à l’autre bout de la planète. Pendant ce temps, dans les pays riches, nous sommes mieux protégés contre ces impacts négatifs. Cette distance ne signifie pas qu’il n’y a pas de prise de conscience : par exemple, aux Etats-Unis, les gens semblent en moyenne plutôt conscients de l’urgence climatique, et plus souvent prêts à soutenir des actions politiques ambitieuses qu’on pourrait le penser.
Toutefois, l'absence de liens visibles entre nos actions quotidiennes et leurs impacts (tels que la pollution minière, la surconsommation d'eau, la perte de biodiversité, etc.) nous prive d'une perspective essentielle pour orienter nos décisions. Il est bien plus difficile d’identifier les comportements les plus responsables lorsque nous ne percevons pas directement les conséquences de nos gestes. Nous nous redirigeons alors vers des sujets souvent visibles, comme les déchets ou les ampoules. Le manque de visibilité des effets, générés par des chaînes d'approvisionnement souvent opaques, affaiblit également notre connexion émotionnelle au problème. Souhaiterait-on encore acheter nos smartphones s’il fallait ouvrir une mine dans notre jardin pour récupérer les métaux nécessaires ? Comme formulé dans cet article, “Pas étonnant que nous ne défendions pas la terre où nous vivons. Nous n’y vivons pas”.
Cyril Dion formule cette problématique ainsi dans son Petit Manuel de Résistance Contemporaine : “L’homme qui s’enfonce dans les mines chinoises pour extraire les terres rares de mon smartphone n’est qu’un concept. Tout comme les forêts rasées d’Amazonie ou les animaux maltraités, abattus, dépecés dans les abattoirs… confronté directement à leur réalité, je ne le supporterais sans doute pas. À des milliers de kilomètres, face à un objet transformé – un iPhone aux courbes lisses, une bibliothèque en teck, un bon gros burger – dépourvu du contexte dans lequel il a été fabriqué, si. Vouloir changer cette réalité demande un entraînement.”
Ces problèmes requièrent une grande coordination
La préservation de l’environnement exige une coordination importante, chaque pays ne recueillant qu'une fraction des bénéfices issus de la réduction de ses émissions. De fait, la majorité des pays ont tendance à sous-investir dans ce domaine, d’autant plus que les effets ne sont pas immédiats. Il existe également un fort déséquilibre, car les plus touchés par les conséquences, souvent les pays pauvres, sont généralement ceux qui ont le moins contribué à la crise environnementale. A l’inverse, les membres des pays riches ont une contribution disproportionnée au problème, mais vivent dans des zones plus tempérées, et disposent en général des moyens pour mieux se protéger contre les dommages causés.
De plus, la régulation des industries visant à réduire les émissions de carbone dans un pays peut simplement entraîner la délocalisation des industries, laissant les problèmes inchangés. Par conséquent, il est probablement préférable de se concentrer sur des solutions qui ne dépendent pas d’une coordination mondiale extensive - non pas parce que la coordination serait inefficace, mais parce qu'il est très difficile de la mettre en œuvre.
Nos actions ignorent souvent les racines du problème au niveau systémique
Face à un problème d’envergure, causé par l’action conjointe de nombreux acteurs, et qui a tenu en échec les efforts de nombreux mouvements, certains estiment que la cause racine doit se trouver au niveau systémique. Ils avancent que la structure du système actuel (notamment son objectif et son système de récompense) ne permet pas de résoudre le problème en l’état actuel.
Par exemple, au niveau économique, la maximisation des profits à court-terme pousse les entreprises à pratiquer l’obsolescence programmée, pour inciter à l’achat de nouveaux produits. Un cycle de nouveautés dévalorise les anciens modèles (téléphones portables, mode…), ou les rend difficilement réparables, voire inutilisables après une durée relativement courte. Ce genre de pratique semble peu compatible avec une durabilité environnementale à long-terme, mais de nombreuses entreprises sont obligées d’y recourir pour rester compétitives.
Face à cela, les solutions proposées (comme les appels à interdire la fast fashion) se heurtent au mur de la résistance au changement du système. Ces appels passent à côté de ce qui a généré le problème en premier lieu. Ce qui importe, dans tout mouvement, ce n’est pas “notre force”, c’est “notre force vs la résistance de ceux qui n’ont pas intérêt à voir ces changements advenir”. Dans de nombreux cas, hélas, cette résistance est trop forte, car il manque le nombre, l’argent, et l’influence pour changer les choses.
Sur ce point, l’analyse suivante fournit des réflexions intéressantes. Elle avance que le système économique actuel n'est pas correctement configuré pour fournir des résultats tels que la réduction des inégalités ou la protection de l'environnement (voir aussi l’analyse complète, incluant le système politique).
La sur-responsabilisation des individus
La résistance du système dominant peut se manifester de manière subtile. Par exemple, le discours de la responsabilisation individuelle a été promu par l’industrie, afin de discréditer l'action politique.
Un peu d’histoire peut nous éclairer. Dans les années 60, une campagne de publicité a touché beaucoup de personnes: celle d’un indien naviguant dans une rivière remplie de déchets, pleurant face à la pollution. A la fin, ce message: “Ce sont les gens qui polluent, ce sont eux qui peuvent y mettre fin”. Qui a pu réaliser cette publicité? Greenpeace? Le WWF? Etonnamment, il s’agit… d’industriels du secteur de l’emballage, comme Coca-Cola.
Comment est-ce possible? A l’époque, face à l’impact des déchets sur les paysages, plusieurs états américains menaçaient de réinstaurer la consigne pour réutiliser les bouteilles. Or, celle-ci était moins rentable pour les fabricants de bouteilles, ils se sont donc réunis dans un consortium, nommé “Keep America beautiful”, qui a promu l'idée que le défi des déchets relevait de la responsabilité individuelle, détournant ainsi l'attention d'une réforme législative. De la même manière, les industriels ont lancé de grandes actions pour promouvoir le recyclage lors de la première Journée de la Terre.
Cette stratégie visait à canaliser de puissantes aspirations à changer les choses, mais en les piégeant dans des formes d’action inoffensives, compatibles avec les intérêts des industries. Dans les années 60, les activistes environnementaux voyaient moins de contradiction entre changer ses habitudes personnelles et militer pour des réformes systémiques. Le discours industriel a cependant réussi à dissocier ces deux approches, suggérant qu'une réforme des comportements individuels pouvait se substituer à l'action politique. Cette rhétorique était séduisante, faisant croire que le pouvoir de changer les choses reposait entièrement entre nos mains, détournant ainsi les efforts de transformations sociétales plus profondes.
On retrouve aussi cette stratégie avec le focus sur l’empreinte carbone individuelle: “La stratégie est de mettre le blâme autant que possible sur le consommateur, en sachant que le consommateur n’est pas dans une bonne position pour contrôler la situation. Cela permet de s’assurer que rien ne change.”
L'importance de l'action politique
A l’inverse, notre rôle essentiel peut être d'exercer une pression sur les gouvernements et les décideurs. Si influencer directement les politiques semble hors de portée, soutenir des organisations capables de le faire représente une voie d'action impactante. Bien sûr, il est mieux d’agir à la fois sur les plans collectifs et individuels, sachant que cela peut permettre de se sentir plus en cohérence. Cependant, il est important que les efforts et les moyens que l’on consacre aux actions individuelles n’aillent pas concurrencer notre capacité d’agir à un niveau collectif.
Il est donc important d’agir à un niveau systémique, de changer notre organisation collective, et de choisir les leviers d’action les plus prometteurs, ceux qui ont le plus de chances de donner des résultats.
3/ S’attaquer à un problème négligé
Il y a plus de chances de changer les choses en s’attaquant à un problème où peu d’autres acteurs sont engagés. Par exemple, les interventions de reforestation sont relativement bien financées (au moins 5 milliards de $ à travers plusieurs fondations), et ce à travers différents angles d’approches (protection du territoire des peuples indigènes, création d’aires protégées, agroforesterie…). De même, la production d'électricité décarbonée et la mobilité électrique reçoivent beaucoup d'attention. En comparaison, des sujets tels que l'industrie lourde, le transport lourd (camions, porte-conteneurs) ou l'agriculture sont plus négligés.
Quelles sont les interventions les plus prometteuses pour l’environnement ?
En suivant ces critères, nous pouvons identifier des interventions qui pourraient avoir un fort impact. Pour les raisons ci-dessus, nous ne présenterons pas en détail les nombreuses actions individuelles possibles, mais nous mettrons l’accent sur une recommandation souvent sous-estimée : le don à des organisations à impact.
Quels résultats peut-on en attendre ? Si l’on regarde le climat, il apparaît que les organisations les plus efficaces permettent d’éviter de l’ordre d’une tonne de CO2 pour moins de 10 $ (voire bien moins). A titre de comparaison, le captage du CO2 dans l’air coûte environ 1250€ par tonne d’émissions évitées. Voici ce qu’un tel don peut donner face aux éco-gestes les plus courants.
On voit ainsi que l’impact potentiel d’un don généreux (aux associations les plus efficaces, attention) peut être bien plus important que la plupart des écogestes. Cette estimation a été produite en regardant les succès passés de ces associations, et les émissions qu'elles ont pu éviter, rapportées au budget alloué. Un tel chiffre doit évidemment être pris avec des pincettes, et toute méthodologie d’un tel calcul a de fortes limites, au vu de la complexité de la mesure - voir ici le rapport qui explicite le raisonnement (par exemple, le calcul pour “Avoir un enfant en moins” diffère des autres études). On peut aussi estimer que les actions individuelles ont un impact comparativement plus "certain" - elles ont donc un rôle à jouer.
Même si elle a ses limites, cette estimation permet néanmoins de saisir les ordres de grandeur. De plus, les estimations médianes des évaluateurs incluent les barres d’incertitude et sont souvent à moins de 10$ par tonne.
Une telle différence peut paraître surprenante, mais elle s’explique par le fait que ces associations agissent à un niveau collectif. En tant qu’individu, il est généralement difficile d’influencer le système politique et économique sur lequel repose la durabilité future. Peu d’entre nous ont le réseau ou les compétences nécessaires pour influencer les législateurs ou entreprises. En revanche, soutenir (financièrement ou en offrant du temps bénévolement) celles et ceux qui ont ces compétences et ce réseau peut permettre d’obtenir des changements plus importants. Contrairement à la compensation carbone, cela permet de faire évoluer les structures qui sont en cause.
Cependant, toutes les associations n’arrivent pas à un tel résultat, loin de là. Comment les identifier ? Pour cela, nous nous sommes appuyés sur le travail de Giving Green, un évaluateur qui a mené des recherches approfondies pour évaluer les interventions et organisations prometteuses. Ils ont analysé de nombreuses stratégies, s’appuyant sur les solutions du projet Drawdown, des études de faisabilité et des échanges avec des experts (voir leur approche). Une limite de leur approche est qu’ils se concentrent uniquement sur le climat (c‘est en effet là qu’il y a le plus de données), mais la troisième recommandation permet d’aborder plusieurs limites planétaires simultanément.
Ils ont retenu trois pistes, pour lesquelles nous mentionnerons leurs recommandations, et sur lesquelles nous avons tenté d’identifier des organisations françaises. Nos ressources d'investigation étant limitées, nos analyses sont très significativement moins poussées que celles des évaluateurs dont nous nous sommes inspirés. Nous n'avons pas pu procéder à une évaluation complète permettant de garantir un coût-efficacité de 10€ par tonne de CO2 évitée. En revanche, les dons à ces associations présentent l'avantage d'être déductibles des impôts en France, ce qui vous permet alors de donner environ trois fois plus.
Il est également important de noter que nous avons privilégié des organisations sous-financées qui ont généralement moins de visibilité - vous retrouverez donc ici peu de grands noms de l’associatif (voir notre approche).
1/ Plaidoyer pour changer les politiques publiques
Le but est d’instaurer des lois pour qu’elles prennent mieux en compte l’environnement. Cela peut s’opérer en sensibilisant l’opinion publique à grande échelle, ou en établissant un dialogue avec des décideurs ou des législateurs.
Giving Green recommande le Clean Air Task Force (CATF) et le Evergreen Collaborative, qui font du plaidoyer politique, et ont joué un rôle clé dans l’adoption de l’Inflation Reduction Act aux USA. CATF est également actif au niveau européen, dont en France.
En France, une opportunité de bénévolat est celle du Lobby Climatique Citoyen (CCL), qui plaide pour la mise en place d’une tarification du carbone ambitieuse couplée à un revenu climatique national. Cette initiative est largement soutenue dans le milieu académique, aurait un impact positif sur l’économie, l’emploi et la santé publique et est déjà implémentée au Canada, en Suisse et en Autriche. CCL n'est pas déductible d'impôts, mais forme les citoyens pour qu'ils proposent cette loi à leur député.e, avec des retours souvent positifs. Sur un autre sujet, Reclaim Finance milite pour la fin du financement du charbon par les grands groupes.
2/ Amélioration technologique
Cela consiste à soutenir la recherche pour la décarbonation de l’industrie lourde ou de l’énergie. L’industrie lourde, incluant notamment la production de ciment et d’acier, est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre, ce qui en fait un levier d’action crucial. Giving Green recommande sur ce sujet Industrious Labs, qui fait du plaidoyer pour obtenir des engagements d’entreprises sur la question, ainsi que des régulations et un soutien public à la recherche.
Un autre angle d’approche est la décarbonation de l’énergie, notamment via les petits réacteurs modulaires (SMR). Le Good Energy Collective cherche à faire avancer le soutien public à la recherche dans ce domaine. Cette approche permet aussi de lutter contre la pollution de l'air. Certains débats subsistent cependant sur l'efficacité de la décarbonation de l’énergie, car les nouvelles sources d'énergie décarbonées peuvent s'ajouter à la consommation d'énergie totale, sans pour autant remplacer les énergies fossiles, comme c’est le cas ces dernières années. Cette approche est donc à compléter par une action politique visant à réduire la consommation.
3/ Réduction de la consommation de produits animaux
Il s’agit d'un des leviers les plus importants, et son impact va au-delà du climat. En effet, comme indiqué ci-dessous, la consommation de viande est la première cause de déforestation et de perte de biodiversité. Un rapport de l'Institute of Physics affirmait en 2015 que l'élevage était responsable de 78 % de la perte de biodiversité terrestre européenne.
Il s’agit également de la première source de pollution de l’eau, d’une source importante de souffrance animale, et d’un facteur majeur de pandémies. En France, l’Ademe recommande une réduction de 30 à 70% de la consommation de viande et produits animaux pour tenir les objectifs climatiques, mais les mesures légales actuelles sont insuffisantes à cet égard.
Les organisations qui visent à réduire la consommation de viande ont donc un impact particulièrement positif sur l’environnement. Elles sont mentionnées dans cette page.
Plus particulièrement, Giving Green recommande notamment The Good Food Institute (ouvrant droit à réduction fiscale en passant par la plateforme Mieux Donner), qui soutient la recherche pour les protéines alternatives. En effet, il est important de rendre les alternatives à la viande accessibles, abordables et bonnes gustativement. Ces alternatives émettent jusqu'à 90% de gaz à effet de serre en moins et sont de plus en plus acceptées, en témoigne le fait que des chaines de fast-food comme Burger King proposent un burger veggie par défaut sur leur menu.
En France, l’Ademe, l’agence en charge de la transition écologique, conseille de consommer 30% à 70% de viande en moins pour tenir les objectifs climatiques. Cette réduction présente plusieurs avantages :
- Libérer des terres agricoles en France et hors de France
- Faciliter la conversion des systèmes agricoles et privilégier des systèmes moins intensifs (systèmes herbagers, agriculture de conservation des sols…)
- Relocaliser des productions et favoriser la résilience des territoires
- Réduire notre impact sur les écosystèmes (déforestation importée)
Pourquoi ? Comme l’élevage utilise la majorité des terres agricoles, et que l’agriculture utilise la moitié des terres de la planète, il s’agit de notre principale façon d’interagir avec la nature. Décortiquons tous les impacts environnementaux que cela entraîne :
Déforestation
En Amazonie, les trois quarts des zones déforestées sont utilisées pour élever du bétail, ou faire pousser des céréales qui iront nourrir ce bétail. Une partie de ces céréales et de cette viande sont exportées à l’international, et iront nourrir nos animaux d’élevage : l’Union Européenne est le deuxième importateur de soja brésilien, principalement pour nourrir nos animaux. Pour produire 100 grammes de poulet, l’animal d’élevage qui présente le meilleur taux de conversion, 109 grammes de soja sont nécessaires.
La viande et les produits animaux accaparent plus des trois-quarts des terres agricoles du monde, d’où leur impact environnemental. L’herbe et les pâturages ne suffisant pas à satisfaire la demande mondiale, il faut libérer plus d’espace, aux dépens des espèces sauvages : l’augmentation de la demande conduit à la destruction d’habitats naturels.
Selon l’ADEME, la surface agricole mobilisée (en empreinte) pour nourrir un ou une Français·e passe du simple au quadruple entre un régime purement végétal et un régime très carné.
Ce visuel représente la surface agricole annuelle occupée par un ou une Français·e, selon son régime alimentaire. À gauche, il faut 1300 m² pour une personne végétalienne. Au centre : 4300 m² pour un Français moyen (107 g de viande par jour). A droite : 6000 m² pour une personne mangeant beaucoup de viande (170 g par jour).
Or, les produits animaux ne produisent que 18 % des calories qu'ils consomment. En effet, faire pousser des céréales et en nourrir des animaux utilise bien plus de terres agricoles que consommer ces céréales nous-mêmes. La moitié des céréales produites dans le monde sont données au bétail, alors même que près de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition.
L’élevage occupe 77 % des terres agricoles pour 18 % des calories
En fait, sans la consommation de viande et de produits laitiers, l’usage des terres agricoles pourrait diminuer de 75 % et quand même nourrir l’humanité – le gain de terres représentant alors une surface équivalente à l’Union Européenne, la Chine, l’Australie et les États-Unis combinés.
Bien sûr, certaines populations dépendent encore réellement de l’élevage pour assurer leur subsistance. Mais dans les pays riches, ce n’est généralement pas le cas. Si la France produisait elle-même le soja qu’elle importe du Brésil, il lui faudrait cultiver une surface équivalente à 3 départements. Il ne s'agit donc pas tant de remettre en question une agriculture de subsistance que les pratiques des pays riches.
Sécurité alimentaire
Pour produire 1 kg de viande, on consomme en moyenne 3 kg d’aliments qui pourraient être consommés directement par les humains. Les animaux restituent en moyenne nettement moins de calories qu’ils n’en consomment à partir des végétaux (et autant de protéines). La contribution de l’élevage à la sécurité alimentaire est donc négative.
De ce fait, les effets néfastes que l’on peut imputer aux cultures sont également imputables à l’élevage, comme la surutilisation des pesticides, les monocultures, la consommation d’eau…
Source: Mottet et al 2017, infographie Apala
Biodiversité
Un rapport de l’IDDRI l’énonce clairement : « l’effondrement de la biodiversité terrestre est en premier lieu dû aux changements d’utilisation des sols occasionnés par l’agriculture, en lien, notamment, avec l’augmentation de la consommation de produits animaux. Pour les océans, c’est la pression de la pêche qui est la cause principale de déclin ».
Sur les 28 000 espèces sur liste rouge dans le monde (animales et végétales), l’agriculture et l’aquaculture sont une menace pour 24 000 d’entre elles. Une étude scientifique est ainsi arrivée à la conclusion que la consommation de viande est la plus importante menace pour la faune et la flore sur notre planète.
Océans
Comme indiqué ci-dessus, la pêche est la première menace pour la biodiversité marine. Pour les poissons, entre 1000 et 3000 milliards d’entre eux sont tués chaque année. C’est plus de 100 fois le nombre de personnes vivant aujourd’hui. Pouvez-vous vous représenter cela ?
La pêche industrielle impacte une zone quatre fois plus vaste que l’agriculture mondiale, alors qu’elle ne produit que 10% des protéines animales. De plus, plus de 10 % des animaux pêchés ne sont pas commercialement exploitables, et sont rejetés à la mer, morts. Comme le formule l’auteur Jonathan Safran Foer, “Un seul navire peut ramener à son bord 50 tonnes d’animaux marins en quelques minutes, les filets peuvent mesurer 50 kilomètres de long. Le type le plus courant de chalut de pêche à la crevette [...] est traîné sur le fond pendant des heures, emportant requins, crabes, seiches [...], à peu près une centaine d’espèces de poissons et d’autres animaux. Presque tous en meurent. Les opérations de pêche peuvent rejeter dans l’océan plus de 98 % des animaux marins morts.”
De plus, 10% de la pollution plastique est causée par du matériel de pêche abandonné (filets, pièges…). Dans le Vortex de Déchets du Pacifique Nord, plus de 75% du poids provient de filets de pêche. Surtout, ces déchets de filets et autres continuent de “pêcher” pendant des décennies, continuant de causer un très grand nombre de morts : c’est ce qu’on appelle “la pêche fantôme”.
L’aquaculture n’est pas une solution dans son état actuel : 11 % des prises mondiales de poissons sauvages servent à… nourrir les poissons d’élevage.
Lutte contre le changement climatique
Le système alimentaire émet environ un tiers des émissions totales de gaz à effets de serre. C’est près de trois fois plus que toutes les voitures, camions et avions combinés. Même si nous arrêtions les énergies fossiles du jour au lendemain, le système agricole pourrait à lui seul nous conduire à 1.5°C de réchauffement d’ici 2050, et 2°C d’ici 2100. De ce total, en France, plus de 85% de ces émissions sont dues aux produits d’origine animale.
Une analyse fait ainsi ressortir que les aliments carnés émettent 10 à 50 fois plus que la plupart des produits d’origine végétale (blé, pois, maïs, soja français, pommes).
Ces statistiques ne couvrent évidemment pas tous les cas de figure. Dans certaines formes d’agroécologie, l’élevage a un impact positif sur les écosystèmes. Mais dans la plupart des cas, l’élevage est un gros émetteur.
C’est pourquoi de nombreuses institutions reconnues soulignent l’importance de la végétalisation de l’alimentation. Le GIEC estime que c’est le moyen le plus efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation. L’importance de ce levier est également soulignée par le Haut Conseil de la santé publique, le Sénat dans son rapport sur l’alimentation durable, ou encore l’INRAE.
Stockage significatif de carbone
D’après une étude de Plos Climate, l’arrêt rapide de l’élevage pourrait stabiliser les niveaux de gaz à effet de serre pendant 30 ans et compenser 68% des émissions de CO2 de ce siècle. Ce phénomène serait principalement dû au stockage de carbone associé à la régénération progressive de la biomasse sur les terres libérées au cours des 30 prochaines années.
Infographie basée sur une étude de 2020 portant sur le coût d’opportunité carbone
Bien entendu, il n’est probablement pas réaliste de s’attendre à ce que tout le monde adopte un régime végétalien. Mais même sans aller jusque-là, une réduction de la consommation de produits animaux de 70% (et de 90% dans les pays riches) permet déjà de libérer assez de terres pour stocker l’équivalent de tout le carbone que l’humanité a émis ces 13 dernières années.
Les auteurs rappellent bien évidemment qu’une telle transition aurait des conséquences importantes, et pourrait mettre en péril les travailleurs tirant leurs revenus de l’élevage. Un tel scénario nécessiterait donc de grands investissements financiers pour assurer la sécurité économique et sociale de ces personnes, mais aussi développer la production d’aliments végétaux de substitution. Cependant, ces coûts doivent être mis en perspective avec les énormes perturbations économiques et humanitaires qui seront causées par le réchauffement climatique.
Il est difficile d’ignorer ce potentiel. « Remplacer les produits d’origine animale par des aliments alternatifs semble être le seul moyen pragmatique pour renverser le dérèglement climatique avant qu’il ne soit trop tard », conclut l’écrivain Jonathan Safran Foer.
Accès à l’eau
L’agriculture est le premier consommateur d’eau. Mais toujours en raison du fait que l’élevage monopolise une grande partie des récoltes, on estime qu’un régime végétarien consomme 5 à 10 fois moins d’eau qu’un régime riche en protéines animales. La production de légumineuses utilise 60% moins d’eau que pour les protéines de porc (4100 L d’eau au lieu de 10300 L, hors eau de pluie).
Ajoutons à cela que l’élevage (y compris la pisciculture) est la plus grande source de pollution de l’eau dans le monde : nitrates, déchets animaux, antibiotiques, eutrophisation à l’origine de la prolifération des algues vertes…
En conséquence, le Stockholm International Water Institute estime que si ces tendances se poursuivent, l’eau manquera pour produire assez de nourriture pour l’ensemble de la population d’ici 2050. Sauf si nous remplissons la condition suivante : « Il y aura juste assez d’eau [pour tout le monde] si la proportion d’aliments d’origine animale est limitée à 5% des calories totales ». Actuellement, la proportion est de 18%.
Gaspillage alimentaire
Un élément important est le gaspillage alimentaire. Environ un quart des aliments sont tout simplement gaspillés. Dans les pays pauvres, cela est principalement dû à des déficits logistiques (sur les transports, la chaîne du froid, le stockage…). Mais dans les pays riches, les distributeurs rejettent les produits dits « moches » ou mal calibrés et les consommateurs jettent à la poubelle une grande partie de la nourriture achetée. Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, derrière les USA et la Chine… Précisons tout de même que certains pays, dont la France, commencent à mettre en place des lois anti-gaspillage, mais elles ne sont pas encore suffisantes.
Réduction des risques de pandémies
D’après l’IPBES, le GIEC de la biodiversité, 75% des nouvelles maladies qui apparaissent aujourd’hui sont des zoonoses, c’est-à-dire qu’elles proviennent des animaux. Le Sida, Ebola ou Zika en font partie. Trois facteurs majeurs contribuent à cela : la destruction du milieu de vie des animaux sauvages (notamment la déforestation, dont on a vu que la consommation de viande était un facteur majeur), le commerce d’animaux sauvages, et notre proximité avec les animaux d’élevage. L’élevage intensif est un terrain d'entraînement propice aux nouvelles maladies, en raison de la promiscuité et des mauvaises conditions de vie des animaux. De plus, l’utilisation massive d’antibiotiques dans ces élevages intensifs est la cause principale de résistance aux antibiotiques chez l’homme - L’OMS précise pourtant que l’antibiorésistance pourrait causer plus de morts que le cancer d’ici 2050. Une étude de 2013 estime que plus de 1500 décès annuels dans l'Union européenne sont directement liés à l'utilisation d'antibiotiques pour les volailles.
Santé humaine
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), avoir une alimentation majoritairement végétale est bon pour la santé et pour l’environnement. Tant que l’apport en vitamine B12 est suffisant, les végétariens ont même une espérance de vie plus longue. Ceci devrait rassurer ceux qui s’inquiètent de manquer de protéines : dans la plupart des pays riches, on en consomme en excès !
L’OMS estime aussi que la viande transformée est carcinogène (peut provoquer un cancer). Ils estiment “qu’en 2020, 2,4 millions de décès dans le monde et environ 240 millions d’euros de coûts de soins de santé ont été imputables à la consommation excessive de viande rouge et transformée”. Au contraire, une alimentation plus végétale apporterait davantage de fibres et de vitamines (dont la population est en carence) et présente un impact positif sur les maladies cardio-vasculaires, le diabète. L'OMS estime ainsi que les végétariens et végétaliens sont moins à risque sur tous les cancers comparé aux non-végétariens.
Coûts humains et sociaux
Pour ces raisons, les dommages humains et environnementaux de notre système alimentaire actuel pèsent lourdement sur notre économie. Une étude publiée dans Nature Food à travers plus de 100 pays a estimé que l’alimentation représente 14 000 milliards de dollars de coûts cachés. C’est 5 fois le PIB de la France. Les coûts cachés sont les coûts sociaux et environnementaux non monétisés dans notre économie (en dehors de la production, les salaires, etc.). Ils comprennent les impacts sur la santé humaine à la production et la consommation (maladies cardio-vasculaires), ou sur l’environnement (déforestation). Les produits carnés représentent 70% des coûts, et un passage à une alimentation végétale permettrait de réduire ces coûts cachés de moitié.
Considérations supplémentaires
Un autre élément à souligner est que la végétalisation de l’alimentation ne coûterait pas plus cher. En effet, l’alimentation carnée est en moyenne plus coûteuse (lorsque l’on inclut les subventions). De nombreuses cantines estiment même que l’offre de menus végétariens réduit leurs coûts et leur permet de mieux choisir leurs aliments. Au niveau du climat, une mesure de végétalisation serait bien moins onéreuse, et serait logistiquement plus simple à mettre en œuvre que la plupart des autres mesures souvent mentionnées, comme le passage massif à la voiture électrique, ou la rénovation de tous les bâtiments. C'est d'autant plus important qu'une étude menée dans une école a trouvé que la moitié des émissions de carbone provenait des repas dans les cantines, devant le transport des élèves et enseignants.
De plus, une large partie des 700 milliards de dollars de subventions mondiales allouées chaque année à l’élevage, qui permettent artificiellement à ce secteur d’être compétitifs, pourrait être réaffectée. Rediriger ces fonds pour financer des services bénéficiant à tous, comme l’agroécologie, serait une belle opportunité. Au Costa Rica, l’élimination des subventions pour le bétail a ainsi permis un retour des forêts.
Pour conclure, il est important de prendre en compte les conditions de vie de la plupart des animaux. La réduction de la consommation de viande est une manière importante de réduire la souffrance animale dans le monde.
En complément, nous menons des recherches sur d’autres approches, comme la résilience face au déclin des énergies fossiles. Toutefois, à l’heure actuelle, nous ne proposons pas encore de recommandations spécifiques, même si des organisations comme le Shift Project ont grandement fait avancer la prise en compte de cette problématique au niveau public. Pour cette raison, cette page porte sur l’atténuation des problèmes environnementaux, pas l’adaptation ou la résilience. Un des membres de notre association a rédigé une série d’articles en anglais sur l’importance de ce problème, et a donné une conférence sur notre chaîne.
L'investissement représente un enjeu considérable dans ce domaine : entre 2016 et 2021, les banques françaises ont consacré plus de 350 milliards de dollars au financement des énergies fossiles.
Face à cette réalité, de nombreuses personnes souhaitent orienter leurs investissements vers des projets plus respectueux de l'environnement. Ceci se traduit notamment par l'adhésion aux fonds d'investissement dits "verts", y compris les fonds ESG. Cependant, quels sont les réels bénéfices de cette approche ?
Giving Green a mené des recherches sur ce sujet. En résumé, il estiment improbable que le refus de financer certaines entreprises polluantes permette de les faire changer ou de cesser leur activité. Tant que ces industries demeureront rentables, d'autres fonds d'investissement seront prêts à les financer, limitant fortement l’impact de la finance dite “verte”, comme l'explique aussi cet article.
En effet, la finance verte ne s’adresse pas à la cause du problème : pourquoi les entreprises polluantes sont-elles plus rentables que les entreprises vertes, et donc soutenues par le système financier ?
Par ailleurs, il existe peu d'indications que le désinvestissement pourrait stigmatiser les entreprises polluantes suffisamment pour engendrer un changement culturel. De même, il est peu probable que le financement d'entreprises "vertes" permette à celles-ci de se développer de manière significative, étant donné que les fonds d'investissement préfèrent des entreprises déjà rentables.
Cependant, l'engagement actif des actionnaires sur les questions environnementales pourrait pousser les entreprises financées à adopter des engagements plus audacieux pour réduire leur impact. De plus, cela pourrait potentiellement influencer le comportement des autres entreprises - bien que les données en ce sens restent limitées. Soutenir les fonds d'investissement qui s'engagent dans cette voie pourrait être intéressant.
Malheureusement, il est très difficile d’identifier ceux qui obtiennent vraiment des résultats significatifs, et quel est l'impact réel de leurs actions - surtout qu’il s’agit d’un milieu où il peut y avoir beaucoup de greenwashing, et distinguer le vrai du faux est très complexe.
Par conséquent, même si l'investissement vert peut parfois avoir un impact, il ne semble pas être le moyen le plus fiable pour agir en faveur de l'environnement. Faire des dons à des organisations efficaces semble être une manière d'utiliser son argent qui offre davantage de garanties d'impact.
Comme précédemment mentionné, les conclusions présentées ici reposent sur les données que nous avions à disposition, et ne sont certainement pas exhaustives. La complexité du sujet implique que ce contenu évoluera au fur et à mesure de nos recherches. Nous vous invitons à consulter les sources que nous référençons. Si vous constatez une erreur, ou si vous avez des suggestions d’amélioration, n’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires.
Y a-t-il des raisons de ne pas prioriser cette cause ?
Certaines personnes décident de ne pas prioriser le sujet, pour les raisons suivantes :
Le sujet est complexe
Comme nous l’avons vu, le sujet est très complexe, avec beaucoup d’interconnexions entre les différents éléments. Compte tenu du temps nécessaire pour observer des résultats concrets, et de la difficulté à renverser certains rapports de force actuels, certains estiment que leurs ressources seraient mieux utilisées dans d’autres causes, avec des solutions mieux comprises.
D’autres sujets peuvent vous paraître plus négligés
De plus en plus de personnes considèrent que ce sujet est majeur et agissent sur la question, agit au niveau environnemental, ce qui fait que l’enjeu environnemental est bien moins négligé que d'autres questions que nous traitons, bien que les efforts actuels restent insuffisants. Par exemple, les dépenses liées au climat dépassent probablement les 640 milliards de dollars par an. Cette vaste quantité de ressources investies signifie qu’il est plus difficile de trouver des opportunités à fort impact qui n’ont pas déjà été explorées, même s’il est probable que certains domaines spécifiques ne reçoivent pas autant d'attention qu'ils le devraient.
Certains redirigent donc leurs efforts vers des domaines bien moins financés, et qui peuvent présenter un risque de catastrophe encore plus grave (pouvant aller jusqu’à l’extinction), comme la lutte contre les risques catastrophiques globaux (risques de pandémie, guerre nucléaire, développement d'IA dangereuses, etc.).
Travailler dans ce domaine d’action
Travailler dans le secteur environnemental peut prendre diverses formes en fonction de vos compétences et intérêts. Avec une formation en sciences ou en ingénierie, vous pouvez envisager de travailler sur le développement de technologies propres ou la recherche climatique. Si le volet politique vous attire davantage, une carrière dans le plaidoyer ou le droit environnemental pourrait vous convenir. Bien d’autres options sont envisageables. Par exemple, travailler sur les protéines alternatives peut être prometteur.
Plusieurs ressources peuvent vous guider, comme le guide des carrières à impact d’Effective Environmentalism. La page de 80,000 Hours offre également des conseils de carrière, notamment sur le changement climatique.
Dans tous les cas, l’importance est de mettre l'accent sur l'identification des leviers qui peuvent avoir l'impact le plus significatif à long terme. Étant donné la diversité des sujets, il existe de très nombreux angles d’approche, et en choisir un particulièrement impactant peut faire une grande différence.
En savoir plus
Ressources anglophones :
- Le Post Carbon Institute et Resilience.org fournissent des analyses pertinentes sur la crise écologique, ainsi qu’une formation en ligne. Voir aussi leur Museletter.
- Effective Environmentalism résume visuellement la démarche d’efficacité sur ce sujet et fournit un grand nombre de ressources.
- La vidéo animée The Great Simplification fournit en 30 minutes de nombreuses clés de lecture sur comment l’humanité en est arrivée là, et la façon dont les systèmes économiques, énergétiques et environnementaux sont interconnectés. L’excellent livre Reality Blind de Nate Hagens permet de creuser le sujet plus avant (disponible gratuitement). Un podcast dédié permet aussi d’interroger des experts.
- Sur le sujet du climat, voir les articles de Giving What We Can et 80,000 Hours, ainsi que les recommandations d’associations de Founders Pledge
- Sur la biodiversité, voir le site Ecoresilience, ainsi que ce post.
- Carbon Brief est une excellente source d'informations sur tout ce qui touche au climat.
- Our World in Data, notamment leur section sur l’impact de l’alimentation.
Ressources francophones utiles :
- Les rapports du GIEC couvrent le consensus scientifique sur le changement climatique. En voici un résumé par le média Bon Pote, qui fait de la vulgarisation sur ces sujets.
- Pour une vision d’ensemble des problèmes environnementaux, ainsi que la raison pour laquelle la plupart des tentatives de solution échouent, la conférence Les Grands Défis de notre Temps d’Arthur Keller offre une vision systémique et est particulièrement enrichissante
- Le podcast Sismique réunit des experts qui abordent l’essentiel des problèmes environnementaux. Les épisodes avec Nate Hagens et Richard Heinberg offrent une large vue d’ensemble.
- Le Réveilleur réalise des vidéos de vulgarisation sur l’énergie et le climat
- La chaîne Youtube Ecologie Rationnelle s’intéresse également à la question de l’écologie efficace.
- L’association Apala fait des infographies en français, notamment sur les impacts de l'alimentation.
- Les livres Pétrole, Le Déclin est Proche de Matthieu Auzanneau, et Le Monde Change et on n’y Comprend Rien, de Julien Devaureix
- Pour une plus grande liste d'actions au niveau individuel, un bon travail de compilation a été fait par Ma Petite Planète, sous la forme d’un jeu coopératif qui donne un cadre particulièrement motivant dans lequel se lancer avec des proches
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Cette page reprend des extraits du livre Agir pour un Monde Durable, de Pascale Fressoz et Corentin Biteau, avec permission des auteurs (éditions Jouvence). D’autres extraits de ce livre, notamment des pistes d’action et des méthodes pratiques sur le thème “comment trouver d’autres sources de bien-être si le consumérisme ne s’avère pas durable”, sont disponibles sur ce lien.